ÉDITO : Une analyse rigoureuse, pas une défense aveugle du BINUH

ÉDITO : Une analyse rigoureuse, pas une défense aveugle du BINUH

Je tiens à réagir à un article intitulé « Violence armée : hier main fédératrice des gangs, aujourd’hui le BINUH dénombre les morts ». La situation actuelle en Haïti est indéniablement tragique. Cependant, pour comprendre et agir sur ce drame, il est impératif d’adopter une analyse objective et nuancée qui interroge ses causes profondes, plutôt que de céder à des raccourcis simplistes et à des critiques qui, parfois, détournent l’attention des véritables enjeux.

Je ne défends pas le BINUH de manière aveugle. Le rapport de 2020, mentionné dans votre article, constate une baisse temporaire des homicides dans certaines zones sous contrôle des gangs, mais ce constat, pris isolément, ne peut en aucun cas être interprété comme une légitimation ou un soutien aux acteurs armés. La crise que traverse Haïti, qui perdure depuis plus de 36 ans, résulte d’un enchevêtrement de défaillances internes et de facteurs externes.

Il est important aussi de rappeler que les armes illégales qui alimentent cette violence proviennent majoritairement des États-Unis et transitent par la République Dominicaine pour arriver en Haïti. Bien que l’on ne puisse affirmer avec certitude si cet afflux est le résultat d’une action volontaire ou non, son impact sur la dégradation de la sécurité nationale est indéniable.

Par ailleurs, une part non négligeable de cette crise trouve ses racines dans les politiques locales. Trop souvent, des responsables politiques ont privilégié leurs intérêts personnels au détriment du bien commun. Le départ d’Ariel Henry a certes marqué un tournant, mais il a aussi exacerbé une situation déjà chaotique. Ce n’est pas le moment de multiplier les reproches sans fondement, mais de se tourner vers l’avenir et de s’unir pour organiser des élections libres et crédibles, afin de remettre Haïti sur la voie d’une stabilité démocratique.

Il convient également de souligner le rôle exemplaire de Maria Isabel Salvador, cheffe actuelle du BINUH. Pour la première fois, une diplomate s’investit à ce point dans la recherche de solutions concrètes pour sauver notre pays, multipliant les rencontres avec le gouvernement, les partis politiques et la société civile. Son engagement va bien au-delà de la simple supervision de rapports : il s’inscrit dans une démarche résolument constructive visant à rassembler toutes les parties prenantes pour trouver des issues durables.

La crise multidimensionnelle que traverse Haïti ne peut être résolue sans une prise de conscience collective, où chaque secteur accepte de prendre ses responsabilités et d’engager des critiques constructives. Aucun secteur ne peut prétendre détenir à lui seul la solution aux problèmes de ce pays que nous chérissons tous. La population haïtienne mérite de vivre dans la dignité et la paix.

Nous sommes les filles et les fils de cette patrie qui a su changer le cours de l’histoire en étant la première nation noire à abolir l’esclavage. Nous sommes fils de Toussaint, de Dessalines, de Henry Christophe. Nous sommes des frères et des sœurs, unis par un destin commun, appelés à travailler ensemble pour un avenir meilleur.

La presse a le devoir de proposer des analyses fondées et utiles, sans chercher une visibilité de mauvaise forme qui induit l’opinion publique en erreur. Haïti a besoin d’une réflexion sérieuse, constructive et collective pour sortir de ce cycle de violence et d’impunité.

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