
Contre-éditorial : Oser la réforme plutôt que le statu quo
Contre-éditorial : Oser la réforme plutôt que le statu quo
Jerry Tardieu soulève des critiques importantes sur le projet de nouvelle constitution, mais plusieurs de ses arguments méritent d’être nuancés, car ils reposent trop souvent sur une vision conservatrice qui freine le progrès.
Sur la décentralisation, il dénonce un « État fédéral » ingouvernable. Pourtant, la décentralisation est un principe universellement reconnu comme un levier d’efficacité et de bonne gouvernance. Haïti souffre depuis longtemps d’un pouvoir centralisé qui peine à répondre aux besoins locaux, notamment dans les départements éloignés. Confier plus d’autonomie aux départements, avec des gouverneurs élus, permet de rapprocher le pouvoir des citoyens et d’encourager une gestion plus adaptée aux réalités locales. Plutôt que de craindre des « caciques » ou des risques de sécession, il faut encourager la responsabilité locale et la participation démocratique.
Quant à l’exclusion de la diaspora, il est indéniable que celle-ci doit être intégrée dans la vie politique haïtienne. Néanmoins, accorder automatiquement le droit de vote aux Haïtiens vivant à l’étranger sans disposer d’un cadre électoral clair et sécuritaire est prématuré. L’organisation d’élections impliquant la diaspora requiert des infrastructures solides et des garanties contre la fraude. La constitution peut laisser cette question à une loi électorale future, plus flexible et adaptée aux avancées technologiques et institutionnelles.
Jerry Tardieu critique également l’inscription dans la Constitution d’une obligation d’allouer au moins 4 % du PIB à l’éducation. Cette mesure, loin d’être une « errance », constitue un engagement fort pour un secteur clé du développement national. L’éducation a trop longtemps été sacrifiée aux urgences quotidiennes. Garantir ce minimum constitutionnel protège ce budget des aléas politiques et économiques, un modèle suivi par de nombreux pays pour assurer un développement durable.
Sur la réforme des collectivités territoriales, il est vrai que la multiplication des élus peut complexifier la gouvernance locale. Cependant, ce changement vise à renforcer la représentation démocratique et à limiter la concentration des pouvoirs entre trop peu de mains, source d’inefficacité et de corruption. Il faut voir dans cette augmentation des membres une opportunité d’ouverture et d’inclusion.
Enfin, la critique selon laquelle ce projet créerait un « monstre » institutionnel néglige le fait que la gouvernance haïtienne doit évoluer face à des défis multiples : insécurité, fragmentation sociale, développement économique. L’immobilisme n’est plus une option.
Ce projet de constitution n’est pas parfait et doit être amendé, mais il constitue une étape nécessaire vers la modernisation et la stabilisation d’Haïti. Rejeter cette opportunité sous prétexte de nostalgie pour un système qui a échoué serait un contresens. Haïti mérite une réforme audacieuse, pensée pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et aux aspirations de tous ses citoyens, y compris la diaspora.
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Diplômé en journalisme et communication, chef de projet PM4, PDG du Journal Le Louverture
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