Les anguilles du crime : le trafic d’elvers en Haïti

Les anguilles du crime : le trafic d’elvers en Haïti

Peu visible, mais très actif, un commerce illégal prospère le long des côtes haïtiennes : celui des anguilles juvéniles, appelées elvers. Très recherchées en Asie pour la cuisine et l’élevage, ces petites anguilles peuvent valoir jusqu’à 5 000 dollars le kilo à l’exportation. Un vrai business, qui fait vivre des milliers de familles, mais qui reste largement hors contrôle.

En Haïti, environ 52 000 familles tirent leur revenu de la pêche artisanale, souvent dans des régions isolées, où les autorités ont peu de présence. Officiellement, les exportations sont limitées à 6 400 kilos par an, mais sans contrôle douanier sérieux ni réglementation stricte, le commerce est largement clandestin. Haïti n’a pas encore ratifié la convention internationale qui protège ces espèces menacées, ce qui ouvre la porte au braconnage.

Les gangs armés ont vite compris l’intérêt de ce marché. Ils s’implantent sur les zones de pêche, imposent des taxes illégales aux pêcheurs, et montent des barrages pour racketter les transporteurs. Par exemple, en juillet 2024, le gang 400 Mawozo a bloqué deux négociants à Croix-des-Bouquets, exigeant 900 dollars pour les laisser passer. Certains groupes vont même jusqu’à vendre de faux permis pour contrôler le marché et empêcher les nouveaux venus.

Ce trafic pose aussi un vrai problème écologique. L’anguille américaine, une espèce en danger, est surexploitée. Sans protection internationale, Haïti devient un terrain de chasse pour les braconniers, mettant en danger la biodiversité locale.

Ce commerce discret révèle une nouvelle forme de criminalité organisée : plus économique et internationale, elle enrichit les gangs tout en affaiblissant l’État haïtien, loin des violences habituelles, mais tout aussi dangereuse.

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