OP-ED: Kidnappée et séquestrée à Delmas, le récit poignant d’une survivante de viol
« Annie » a 26 ans. Elle a fait des études de comptabilité dans une école supérieure de Port-au-Prince et travaille dans une boîte de l’administration publique. Elle était sortie pour aller faire des courses au marché de Delmas 32 vers 17 heures et il faisait encore jour.
C’était parti pour être une longue journée. Dès 6h AM, j’étais déjà sur les routes pour aller à Croix-des-Bouquets. Deux communautés d’adolescentes et d’adolescents nous attendaient pour des formations sur la santé sexuelle et reproductive. Avec le phénomène du lock toujours d’actualité, nous avions décidé de prendre la route tôt pour avoir le temps de bien travailler.
Soudain, mon téléphone sonna. Quand je décroche, j’arrive uniquement à percevoir des sanglots. Aucun mot audible. Juste une souffrance qui, dès les premières secondes, transpercent les sanglots déchirants que j’entends à l’autre bout du fil. Je n’ai pas reconnu le numéro, mais c’était une jeune femme.
Avec les années, j’ai appris à être prête à recevoir ces appels, à toute heure du jour et de la nuit. Des appels à l’aide. Des appels de détresse. Des appels au secours. Pourtant, mon cœur n’a toujours pas appris à ne pas rater un battement. Mes yeux n’ont pas appris à retenir les larmes.
Mon esprit se met immédiatement en mode combat. Je murmure des mots rassurants, je demande le nom et finalement, un peu de calme me permet d’entendre le nom susurré entre deux crises de larmes.
Elle s’appelle « Annie ». Elle vient d’être relâchée au « Kafou Ayewopò ». Elle a été kidnappée la veille vers 17h à Delmas 3. Séquestrée et violée toute la nuit par 5 hommes qui l’ont relâchée tôt en pleine rue. Ce numéro est le premier qui lui soit venu en tête après qu’elle l’ait vu plusieurs fois sur la page Facebook de NÈGÈS MAWON. Et les sanglots qui recommencent. Déchirants.
Les organisations de femmes qui font la prise en charge des femmes victimes de violences ou le référencement, reçoivent des appels similaires tous les jours. Des femmes qui, vivant ces mêmes situations atroces, poussent leurs portes tous les jours. Ce n’était pas nouveau pour moi. Mais cela me prenait toujours à la gorge de la même manière. Me bloquait à chaque fois la respiration de la même manière. On ne s’habitue pas à la barbarie.
Rapidement, je lui dis que nous allons venir la récupérer. Je lui demande de se mettre dans un endroit discret où elle se sente plus ou moins en sécurité. J’ai compris très vite à quel point mes propos étaient ironiques. Mais elle acquiesça et cessa momentanément de pleurer. Quand je lui dis que j’allais raccrocher pour appeler quelqu’un qui pourrait la récupérer plus vite, les cris recommencèrent de plus belle.
Je reste donc en ligne et utilise le téléphone du chauffeur pour appeler deux autres membres de l’organisation pour qu’elles s’organisent pour aller la chercher. Quinze minutes plus tard, elle était installée dans la voiture venue la récupérer. Je n’ai jamais pu raccrocher le téléphone. Elle n’a jamais arrêté de pleurer.
« Annie » a 26 ans. Elle a fait des études de comptabilité dans une école supérieure de Port-au-Prince et travaille dans une boîte de l’administration publique. Elle était sortie pour aller faire des courses au marché de Delmas 32 vers 17 heures et il faisait encore jour.
Tout près de sa résidence au bas de Delmas, elle arrête une moto. Le temps de s’installer sur le véhicule, elle sent un autre homme se glisser derrière elle et lui enfoncer dans les côtes ce qu’elle pense être une arme. La moto démarre, elle est prise au piège. Quand elle essaie de supplier ou de faire des mouvements brusques pour attirer l’attention, l’homme derrière elle lui dit en la violentant :
Talè map tire w tankou w vye chen la a, fè kaka…
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Opinion | Kidnappée et séquestrée à Delmas, le récit poignant d’une survivante de viol
Pascale Solages
Annie est un nom d’emprunt.
La photo en couverture n’est pas une image de la victime.
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